Depuis le début des années 1980, les observations satellitaires au-dessus de l'Antarctique ont mis en évidence une forte diminution de la concentration d'ozone au cours du printemps austral.

Un débat ancien

L'ozone est l'un des constituants minoritaires de l'atmosphère qui jouent un rôle fondamental dans le maintien de la vie sur Terre. Ramenée aux conditions de pression et de température qui règnent au niveau du sol, la couche d'ozone n'occuperait que 3 mm d'épaisseur. Pourtant, répartie dans la haute atmosphère entre 10 et 40 km d'altitude, elle suffit à absorber la majeure partie du rayonnement ultraviolet de très courte longueur d'onde, nocif pour les organismes vivants (les UV B).

Les craintes d'une altération de cette couche protectrice par les activités humaines ne datent pas d'aujourd'hui. Dans les années 1970, le débat avait déjà commencé à l'occasion du développement de l'aviation supersonique. On craignait alors que les oxydes d'azote émis par les turboréacteurs d'avions volant entre 10 et 20 km d'altitude ne missent en péril la couche d'ozone stratosphérique. En réalité les scientifiques se sont rendus compte quelque années plus tard que, loin de détruire l'ozone, l'aviation supersonique contribuait à augmenter la quantité d'ozone. Il faut dire que les réactions chimique intervenant dans le cycle de l'ozone sont très nombreuses et complexes, faisant intervenir une cinquantaine de composés chimiques différents, et que certaines avaient été négligées dans les premières estimations d'impact de l'aviation supersonique.

Les nuages nacrés ou stratosphériques polaires, qui ne se forment qu'à très basse température, favorisent la destruction de l'ozone par le chlore produit lors de la décomposition des chlorofluorocarbures.

Le débat sur la destruction possible de la couche d'ozone par l'homme a repris ces dernières années.

 Mais, cette fois, il ne s'agit plus de simples présomptions mais de faits.



Tous les ans, depuis 1979, au début du printemps austral en septembre et octobre, un déficit important apparaît dans la couche d'ozone de l'hémisphère sud. La diminution au-dessus de l'Antarctique a atteint 20 à 30% au début des années 1980 et 50 à 60% 

Ces dernières années,le  niveau semble s'être stabilisée.

Curieusement, les observations satellitaires n'ont pas été les premières à déclencher l'alarme. Ce sont les mesures systématiques depuis une station au sol qui ont révélé ce phénomène, même si, par la suite. les satellites ont joué un rôle de tout premier plan dans le suivi de son évolution. En effet, au début des années 1980, les valeurs anormales d'ozone déduites des données satellitaires avaient été attribuées à une erreur de mesure , expérience  qui montre que les mesures satellitaires ne peuvent se substituer entièrement aux mesures de terrain, mais qu'elles sont complémentaires des observations au sol.
Fort heureusement, début novembre, lorsque le soleil réchauffe à nouveau la région Antarctique, le «trou» d'ozone disparaît peu à peu. Ce déficit se résorbe par dilution avec les masses d'air des latitudes plus tempérées, grâce à un brassage par les vents stratosphériques. Mais si le mécanisme de destruction massive s'arrête en novembre, il n'en résulte pas moins une nette diminution du bilan annuel d'ozone dans la stratosphère qui, entre 1978 et 1988, a atteint 9% en moyenne au sud du 60e parallèle. Une telle diminution est importante et conduit à une augmentation de près de 20% des UV B atteignant la surface. 

Certes, peu de populations occupent ces latitudes élevées, mais les organismes marins y prolifèrent près de la surface. Si on évoque souvent le fait qu'une augmentation des UV B peut induire des cancers de la peau pour les hommes et les animaux, il ne faut pas oublier les effets nocifs des UV B sur la biosphère en général: inhibition de la photosynthèse, mutations génétiques, qui peuvent avoir des incidences sur toute la chaîne alimentaire.

Une diminution d'une telle ampleur n'avait pas été prévue par les spécialistes, ce qui illustre les limites de notre connaissance de la chimie atmosphérique. Depuis la découverte du «trou» d'ozone, des expériences sur le terrain ont été réalisées afin de comprendre l'origine du phénomène. Mesures à bord d'avions, ballons stratosphériques, mesures au sol ou depuis des satellites, tous les moyens ont été mis en oeuvre. L'apparition d'une diminution de la concentration d'ozone au-dessus de l'Antarctique




Les chlorofluorocarbures, ou CFC, sont à l'origine de la destruction de la couche d'ozone. Très stables, leur durée de vie dans l'atmosphère est longue, ce qui leur laisse le temps de se répartir dans toute l'atmosphère et même dans la stratosphère située au-dessus de l'Antarctique, bien loin des lieux d'émissions des régions industrielles. Le contenu en chlore a ainsi été multiplié par 6 depuis la période préindustrielle. Mais une augmentation de la quantité de CFC ne suffit pas à expliquer l'impressionnante destruction de l'ozone au-dessus de l'Antarctique - heureusement, d'ailleurs, sinon la couche d'ozone serait réduite sur l'ensemble de la planète.

Les molécules de chlorofluorocarbures n'attaquent pas directement l'ozone. Sous l'action du rayonnement, un certain nombre d'entre elles se rompent et produisent des atomes de chlore qui sont en revanche très actifs. 

Ces atomes servent en effet de catalyseurs à la réaction de destruction de la molécule d'ozone; même s'ils entrent dans la réaction, qui se produit beaucoup moins facilement en leur absence, on les retrouve intacts en fin de compte. Ainsi, un même atome de chlore peut provoquer la destruction de nombreuses molécules d'ozone.

 Heureusement, le chlore sous forme active reste en proportion très faible dans la stratosphère, sauf au début du printemps dans les régions polaires au dessus de l'Antarctique.

En effet, pendant la nuit polaire, la stratosphère au-dessus de l'Antarctique atteint des températures très basses, le plus souvent inférieures à -80 °C. Ce froid résulte non seulement de l'absence d'ensoleillement mais également d'un régime particulier de la circulation: un grand tourbillon tournant d'ouest en est, le vortex polaire, se développe au dessus de l'Antarctique et isole ces latitudes des régions tempérées, plus chaudes. Des températures aussi basses permettent l'apparition des nuages nacrés, dits nuages stratosphériques polaires, formés par condensation du peu de vapeur d'eau disponible à des altitudes atteignant 10 à 20 km. Ces nuages sont la clé de l'intensification du processus de destruction de l'ozone.

Au sein de ces nuages, de nombreux composés chlorés ou azotés se dissolvent dans les cristaux de glace et sont entraînés avec eux hors de la stratosphère. Reste sur place une bien plus grande proportion de chlore actif permettant la destruction massive observée au début du printemps austral à ces latitudes. Le mécanisme est interrompu par le retour d'un ensoleillement plus fort et la désintégration du tourbillon polaire. L'air se réchauffe et les nuages disparaissent.

Circulation, rayonnement, nuages et pollution atmosphérique se combinent ainsi pour aboutir à cette forte diminution de l'ozone. A ces conditions s'en ajoute une autre néanmoins: il faut, semble-t-il, que la quantité de chlore dépasse un certain seuil critique pour que le processus se déclenche, ce qui s'est produit à partir de 1979 lorsque la concentration de chlore a dépassé le seuil des 2 parties par milliard.

Climat d'hier et de Demain -sylvie  jaussaume - Éditions CNRS   - bibliothèque Arcachon