Jusqu'à la canicule de l'été dernier, le réchauffement
climatique apparaissait surtout comme un aimable fantasme de scientifiques.
Tout juste bon à détacher des glaçons géants en Antarctique. D'où le
difficile réveil des Européens après une chaleur estivale qui fit pas moins
de 30 000 morts, des millions d'hectares de cultures grillées par le soleil,
des restrictions d'eau en cascade et de gigantesques incendies
incontrôlables. Pour bien enfoncer le clou, les ingénieurs de Météo-France
viennent de révéler que, selon leurs calculs savants, la fréquence des étés
torrides devrait quintupler à l'avenir.
Les milliers de scientifiques membres du Groupe
d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sont
catégoriques : oui, l'Arctique et l'Antarctique commencent à fondre. Oui, le
niveau de la mer s'élève. Oui, le climat se dérègle. Oui, la végétation
connaît une floraison de plus en plus précoce. Oui, certaines espèces
animales ont commencé une migration vers le nord. La Terre a entamé une
nouvelle mue climatique irréversible. L'ère quaternaire est moribonde, vive
l'ère « quinquennaire » !
http://www.sur-la-toile.com/mod_News_article_2523___.html
A l'origine de tous ces bouleversements, il y a donc
ces émissions de gaz à effets de serre (CO2, méthane...). Le GIEC a fini par
accréditer qu'ils constituent les principaux accélérateurs du réchauffement,
bien avant les phénomènes astronomiques. En cent ans, le thermomètre mondial
a déjà gagné 0,6 °C, avec une nette accélération au cours du dernier quart
de siècle. Cette hausse est bien moins négligeable qu'il y paraît, car elle
cache une disparité phénoménale (de + 5 °C au nord de l'Alaska et de la
Sibérie à un léger refroidissement au Groenland). La fièvre terrestre touche
davantage les continents que les océans, l'hémisphère nord que celui du sud,
et les nuits que les jours. Ainsi, le thermomètre français a gagné jusqu'à
1,5 °C au plus froid de la nuit et un maximum de 0,9 °C au plus chaud du
jour.
Si le thermomètre s'affole, le pluviomètre ne vaut
guère mieux. Au cours du XXe siècle, la pluviométrie s'est déjà alourdie de
5 à 10 % sous nos latitudes, mais de 20 à 30 % dans la ceinture tropicale.
Malheureusement, cette manne ne bénéficie pas aux plus assoiffés. « Les
pluies ont tendance à s'intensifier là où elles tombent déjà et à se
raréfier là où règne déjà la sécheresse », enrage Philippe Courtier,
directeur général adjoint de Météo-France. Que la Bretagne nous pardonne,
mais elle est condamnée à devenir encore plus pluvieuse l'hiver, et la
région méditerranéenne encore plus sèche... l'été. Dans un communiqué du 2
juillet 2003, l'Organisation mondiale de la météorologie avertit que les
phénomènes extrêmes (grandes sécheresses, inondations, cyclones et autres
joyeusetés climatiques) pourraient augmenter en fréquence et en intensité.
Le réchauffement des océans entraîne leur dilatation.
En cent ans, leur niveau s'est ainsi élevé de 10 à 20 centimètres. Du
jamais-vu depuis au moins six mille ans. Déjà, les atolls du Pacifique, dont
l'altitude moyenne ne dépasse pas 1 mètre, sont menacés d'érosion et de
submersion lors des tempêtes. L'an dernier, la petite nation de Tuvalu,
victime de la salinisation de ses terres arables, a demandé à l'Australie un
accord de principe pour recueillir ses 11 000 ressortissants. Celle-ci a
refusé poliment. Par peur, sans doute, d'être submergée de demandes...
Le sort des îles du Pacifique est d'autant plus
préoccupant que la fonte des calottes glaciaires et des glaciers de montagne
s'accélère. D'après les dernières mesures satellitaires publiées le 1er
novembre par la National oceanic and atmospheric administration, l'Arctique
se réchauffe désormais au rythme accéléré de 2 °C par décennie. Huit fois
plus vite qu'il y a un siècle. Durant les mois d'été, la banquise se
rétracte comme peau de chagrin : 9 % de surface en moins chaque décennie. Au
plus fort de l'hiver, elle s'est, parallèlement, amincie de 40 %. Le
réchauffement intense provoque également le dégel de pans entiers du
permafrost (sol gelé tout au long de l'année) en Alaska, au Canada et en
Sibérie, mettant ainsi en péril des villes entières, mais aussi des routes
et des gazoducs.
On a longtemps cru le continent antarctique réfractaire
à l'envolée du thermomètre. Les scientifiques attribuaient le détachement
des icebergs de plusieurs milliers de kilomètres carrés sur le pourtour du
continent essentiellement à l'élévation des mers faisant levier sur les
glaciers terrestres qui débordent dans l'océan. Mais les derniers relevés
par radar du satellite ERS révèlent un amincissement de ces glaciers léchés
par les vagues. Andrew Shepherd, de l'université de Cambridge, se demande
s'il ne faut pas y voir une preuve du réchauffement.
En recul depuis la fin du dernier âge glaciaire, les
glaciers accélèrent leur fonte depuis une vingtaine d'années. Les chercheurs
du laboratoire de glaciologie et de géophysique de l'environnement de
Grenoble l'ont dûment constaté dans les Alpes grâce à des carottages. Idem
pour les glaciers de Patagonie, qui maigrissent de 43 kilomètres cubes
chaque année. Idem pour les glaciers himalayens, qui reculent de 30 à 40
mètres par an. Idem pour les glaciers andins...
La faune et la flore ne restent pas non plus de glace
devant le réchauffement. Deux universitaires américains, Camille Patersan et
Gary Hobe, ont compilé les modifications de territoire de 99 espèces
d'oiseaux, de papillons et d'herbes alpines. Résultat : un déplacement
décennal de 6,1 kilomètres vers les pôles et de 6,1 mètres en altitude. De
même, après avoir synthétisé 172 études portant sur des herbes, des
buissons, des arbres, des oiseaux, des amphibiens et des papillons, les deux
américains ont obtenu des dates de floraison et d'accouplement plus précoces
de 2,3 jours par décennie.
Même « punition » pour les arbres : les satellites de
la Nasa ont observé qu'en vingt ans leur période en feuilles a été allongée
d'une douzaine de jours en Amérique du Nord et de dix-huit à vingt et un
jours en Eurasie. « En un siècle, la vitesse de croissance des arbres a
triplé. En Lorraine, nous constatons que les hêtres grandissent de 45
centimètres par an, contre 30 centimètres autrefois. C'est dû au
réchauffement, mais aussi à l'augmentation du CO2 », observe Jean-Luc
Dupouey, de l'Inra Nancy. Même constat du Cemagref concernant les chênes des
régions Centre et Pays de la Loire.
Comme leurs cousines sauvages, les plantes cultivées
réagissent à la douceur du temps en anticipant leur floraison. Certaines
variétés précoces de pêchers, de pommiers, d'abricotiers et la vigne
grignotent ainsi deux à trois jours par an. Plus vite matures, les fruits se
gorgent davantage de sucre l'été. Quant aux variétés tardives, elles donnent
des fruits plus tard en saison. Mais il y a aussi le revers de la médaille.
Quand l'hiver est trop doux, les plantes ne reçoivent plus leur dose
réglementaire de froid pour bourgeonner au printemps. D'où des récoltes
médiocres de pêches en 2001 et encore en 2003. Autre revers, en fleurissant
de plus en plus tôt, ces espèces se mettent davantage en danger d'un coup de
gel tardif.
Les grandes cultures de céréales et de maïs n'ont pas
encore franchement réagi au changement de temps. Sinon lors des incidents
climatiques, comme la canicule de cet été, qui a fait chuter les rendements
de 10 à 30 % suivant les cultures. Patron de la Mission changement
climatique et effets de serre à l'Inra, Bernard Seguin avertit :
« Quoi qu'il en soit, nous devrons développer de nouvelles variétés
agricoles et modifier nos pratiques culturales de façon à nous préparer à
une agriculture de pays sec. »
En revanche, les Sibériens se frottent les mains à
l'évocation d'un réchauffement pouvant transformer la taïga en immenses
champs de blé ! Seulement voilà, les climatologues russes tempèrent cet
enthousiasme. L'augmentation des aléas climatiques dans le sud du pays
pourrait réduire à néant la mise en culture d'une partie de la Sibérie.
Malheureusement, ce pessimisme peut être étendu à de nombreuses autres
régions du monde. Si bien que le coup de fouet que les plantes sont en droit
d'attendre du futur doublement du gaz carbonique dans l'atmosphère pourrait
n'être qu'un espoir illusoire.
Même si la réduction des gaz à effet de serre prévue
par le Protocole de Kyoto était quintuplée, le mercure continuerait à
grimper, au moins par inertie thermique. Et, par conséquent, les impacts à
s'amplifier. « Il est devenu nécessaire de s'adapter aux effets des
émissions passées maintenant inévitables ! avertit Dominique Dron,
directrice de la Mission interministérielle sur l'effet de serre. Mais il
faut également contenir l'aggravation de la situation en réduisant les
émissions. » Reste à en convaincre le personnel politique. Sur la
proposition de Paul Vergès, sénateur de la Réunion, le gouvernement a
effectivement créé l'observatoire national sur les effets du réchauffement
climatique mais l'a doté d'un budget ridicule ne permettant de financer que
quelques études et d'engager seulement trois salariés. « Ce qui me
frappe, s'étonne Paul Vergès, c'est
l'insouciance des élus et de tous ceux qui peuvent prendre une décision.
Pourtant, ce sont nos propres enfants qui connaîtront ces bouleversements
climatiques. »
Houx : l'explosion
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Houx, où es-tu ? Partout !
Ilex aquifolium se propage à une vitesse fulgurante dans le
nord des Ardennes, près de la limite nord de son aire de
répartition. L'inventaire forestier national (ifn) constate que,
entre 1987 et 1998, sa présence passe de 8,5 % à 20,6 % dans les
placettes d'observation. « C'est probablement l'une des premières
manifestations de l'impact du réchauffement climatique sur la
répartition des espèces », explique Jean-Luc Dupouey, de l'Inra
Nancy. Il est vrai que, par rapport aux autres feuillus, le houx a
l'immense avantage de conserver ses feuilles en hiver. Alors que les
autres feuillus sont encore à bourgeonner, dès les premières
chaleurs de printemps, son moteur chlorophyllien repart, lui, au
quart de tour F. L. |
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Ca chauffe pour l'apollon
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Il y a encore quinze ans,
dans le massif provençal de la Sainte-Baume, l'entomologiste André
Chauliac trouvait en abondance le demi-apollon (photo), un
petit papillon de montagne cousin du célèbre apollon. Or, depuis
quelques années, l'animal se fait rare. « Sur les quatre sites où
nous pouvions l'observer dans le massif, un seul héberge encore
cette espèce », assure l'entomologiste. Pourtant, la corydalis,
plante à laquelle le papillon est toujours étroitement associé,
elle, se porte plutôt bien. Elle n'a pas disparu, ne s'est pas
raréfiée. Elle n'est donc pas responsable de la déroute de l'animal.
Le milieu non plus ne semble pas avoir été très perturbé. Alors,
André Chauliac soupçonne l'élévation des températures moyennes.
L'installation de ce papillon qui aime les sommets date, en effet,
de la dernière glaciation. La température ayant alors fortement
chuté, il a conquis de nouveaux espaces à plus basse altitude. Il
est descendu jusqu'à environ 900 mètres. Aujourd'hui, le climat se
réchauffant, le phénomène inverse se produit. L'insecte est
contraint de déserter les zones trop basses, car trop chaudes. Il y
a quinze ans, le papillon était présent entre 900 et 1 100 mètres.
Aujourd'hui, à la Sainte-Baume, il reste cantonné dans son dernier
refuge, le plus haut, celui situé à 1 100 mètres d'altitude Olivier
Hertel |
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Les grues en Champagne
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Lassées de la sangria et du
bordeaux de leurs ancestrales destinations migratoires, plus de 14
000 grues cendrées du nord de l'Allemagne ont choisi, l'hiver 2002,
de se mettre... au champagne sur le lac du Der-Chantecoq. Créé dans
les années 70, au beau milieu de leur voie de migration, qui va du
nord de l'Allemagne au sud-ouest de la France et à l'Espagne, ce
site offre désormais le gîte et le couvert à toutes les grues de
passage dans les sens du départ et du retour. Scrutant jour et nuit
le lac, Emmanuel Leroy, chargé de l'étude des grues à la Ligue de
protection des oiseaux de Champagne-Ardenne, y a effectivement
remarqué une tendance croissante à l'hivernage de ces migrateurs au
cours des dix dernières années. « Ce changement de comportement
migratoire a été observé significativement en janvier 1988. En un
an, le nombre d'hivernants est passé de 10 à plus de 1 500, et
depuis ça ne cesse de progresser », s'étonne Emmanuel Leroy. Les
derniers hivers se sont sensiblement radoucis et ont été accompagnés
de pluies et de vents d'ouest extrêmement éprouvants pour cette
espèce migratrice. Ces conditions climatiques ont incité les grues à
s'établir en Champagne, où le développement agricole autour du lac
du Der-Chantecoq leur a permis de se nourrir Anne-Charlotte Portalis |
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Vendanges précoces
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« Il y a cinquante ans,
le ban autorisant les vendanges en châteauneuf-du-pape était publié
au cours de la troisième semaine de septembre. Aujourd'hui, il
arrive trois semaines plus tôt », constate
Bernard Ganichot, oenologue au Comité interprofessionnel des
côtes-du-rhône. Dans toute la France viticole, la même tendance à la
précocité est observée. Vignerons bourguignons à Morey-Saint-Denis,
Jocelyne et Guy Castagné n'en reviennent toujours pas : « Cette
année, nous avons dû convoquer d'urgence nos vendangeurs le 28 août.
Cela ne nous était jamais arrivé. C'est vrai que nous avons vécu une
canicule exceptionnelle, mais nous avons quand même gagné plus de
deux semaines en vingt ans. » Les agronomes le constatent, le
réchauffement climatique pousse la vigne à fleurir de plus en plus
tôt. C'est bon pour le raisin, qui se gorge davantage de sucre au
cours de l'été. Ainsi le cépage grenache (Côtes-du-Rhône) a gagné 2
à 3 degrés d'alcool depuis 1983. Mais c'est moins bon pour le vin,
qui a également besoin d'acidité pour se faire. Par ailleurs, pour
éviter une perturbation de la fermentation par les fortes chaleurs
d'automne, beaucoup de vignerons doivent dorénavant refroidir leurs
chais. Certains même, dit-on en Bourgogne, loueraient des camions
frigorifiques pour rentrer le raisin.
Mais la crainte principale de Bernard Ganichot
concerne l'apparition d'un décalage entre les deux maturités du
raisin : celle des sucres et celle des polyphénols. Les premiers,
qui se transforment en alcool ; les seconds, qui assurent la
production des arômes, des tanins et des matières colorantes dans la
peau. Un peu de soleil, c'est bien. Trop pourrait se révéler
catastrophique F. L. |
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Alerte aux insectes
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Si c'est une douceur
tropicale que nous réserve l'avenir du climat en France, il faudra
composer avec ses revers moins amènes : les maladies tropicales.
Paludisme, bilharziose et autres pestes exotiques sont attendus à
nos frontières, importés comme bagages en soute, tantôt par un
oiseau, tantôt par un belliqueux insecte piqueur, voire un paisible
gastéropode brouteur de plantes aquatiques. Des alertes se sont déjà
produites. En 2000, la Camargue a ainsi tremblé devant le spectre du
virus West Nile. Introduit par des oiseaux migrateurs, ponctionnés
par des moustiques suceurs de sang, il a tué quelques malheureux
chevaux piqués à leur tour par ces insectes vecteurs. Le danger
serait qu'il parvienne, via le moustique, à passer chez l'homme, où
il peut causer des encéphalites mortelles. Exactement ce qui est
arrivé pour la première fois en 1999 aux Etats-Unis où, depuis, il a
fait plusieurs centaines de morts.
Dans un autre genre, guère plus rassurant : la
fasciolose. Une maladie due à la douve du foie, un ver plat parasite
qui provoque des lésions assez graves pouvant être mortelles. «
Nous surveillons continuellement son évolution », explique
Santiago Mas-Coma, directeur du département de parasitologie de
l'université de Valence, en Espagne. Une région où les paysages
modelés par la riziculture ont un petit quelque chose écologique de
delta du Nil, où 20 % de la population est infestée par la douve du
foie. Idem pour la Camargue. Heureusement, il n'y a pas encore dans
ces régions, autant qu'en Egypte, d'espèces de limnées, escargots
d'eau, hôtes intermédiaires indispensables au parasite pour
accomplir son cycle reproductif. « Mais, prévient Santiago
Mas-Coma, les escargots, ça voyage ! » Et beaucoup plus vite
qu'on ne le croit. Englués dans un peu de boue accrochée aux pattes
d'un oiseau migrateur qui se déplace de point d'eau en point d'eau,
par exemple... Olivier Hertel |
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A lire : « Un nouveau climat ? Les
enjeux du réchauffement climatique », de Philippe Dubois et Pierre Lefèvre
(Editions de La Martinière).
Les modifications
anthropogéniques s’accélèrent et leurs conséquences se font sentir sur
l’ensemble de la biosphère. Toute gestion de la biodiversité nécessite la
connaissance de son état et de sa dynamique. Le suivi des populations
d’oiseaux est un outil particulièrement intéressant qui permet à la fois la
description des dynamiques et l’analyse des mécanismes allant de la
population à la méta-communauté (ensemble d’espèces en interaction,
structurées dans l’espace).
L’analyse des
données issues de ce suivi permet la quantification de l'impact des
pressions anthropiques (changements climatiques et changements d'usage des
sols….), ainsi que celle des réponses (politiques de gestion de la
biodiversité) lorsqu'elles existent.
Indicateurs de
biodiversité associés à l'abondance des espèces communes
Afin d'atteindre les deux objectifs
précédents, l'étude des variations d’abondance des espèces communes semble
particulièrement intéressante, pour au moins deux raisons.
• La simplicité potentielle des méthodes de mesures permet la multiplicité
des sites d’observation (donc de distinguer l’impact de nombreux facteurs).
En effet la multiplication spatiale des points d'échantillonnage est
fondamentale : elle seule peut permettre de démontrer la généralité des
changements d'état de la biodiversité mesurés localement (de même que le
réchauffement climatique n'acquiert un caractère d'évidence qu'à travers la
convergence des variations climatiques sur l'ensemble des sites étudiés).
Cette multiplicité des sites peut se mettre en œuvre à travers la
coordination de réseaux naturalistes.
• La biologie des populations fournit un cadre théorique pour interpréter
par des mécanismes les variations observées. Lorsque l'on connaît les
mécanismes, on peut alors développer des scénarios de devenir de la
biodiversité, et quantifier pressions anthropiques et réponses.
L'abondance des espèces communes serait alors un indicateur d'état de la
biodiversité, les variations de cette abondance seraient, elles, un
indicateur de la dynamique de la biodiversité.
Un exemple : les
indicateurs basés sur les oiseaux communs
Le suivi des populations d’oiseaux communs
à l’échelle de la France permet de déterminer pour une centaine d’espèces
nicheuses en France, la tendance soit au déclin, soit à la stabilité, soit à
la croissance des populations sur le long terme.
Observation : un déclin général
Ces données sont obtenues grâce à
l'animation d'un réseau d'ornithologues (un millier d'observateurs) réparti
sur l'ensemble de la métropole (Figure 1). Ce suivi existe depuis 1989. Il
est possible d'agréger ces données en distinguant les communautés selon leur
habitat.
http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim/biblio/pigb17/05_oiseaux.htm
Réorganisation de la
diversité des espèces à l'échelle nationale
Dans le cadre de ce déclin général, on
observe une réorganisation de la biodiversité,
Des variations comparables sont observées chez 46
espèces de papillons communs en Grande-Bretagne entre 1970 et 2000 (Warren
et al. 2001) avec déclin accentué des espèces spécialistes et/ou
septentrionales dans un contexte de déclin général.
Groupe d’espèces |
Variations entre 1989 et 2002 |
Septentrionales |
~ - 20 % |
Méridionales |
~ - 10 % |
Spécialistes |
~ - 25 % |
Généralistes |
~ - 5 % |
Tableau 1 : Variation d'abondance du premier
et du dernier quartile, selon la distribution de l'aire de répartition, ou
selon la spécialisation par rapport
à l'habitat.
Différentes origines
à ce déclin
Parmi les différentes origines possibles à
ce déclin nous en soulignons trois particulièrement importantes.
Le réchauffement climatique
Le déclin marqué des espèces
septentrionales reflèterait la redistribution actuelle des espèces vers les
plus hautes latitudes, par suite du réchauffement climatique. Un tel
mouvement est constaté chez de nombreuses espèces (Parmesan and Yohe, 2003).
La conséquence d’une telle redistribution est que, à une échelle
géographique donnée (ici la France métropolitaine), on observera un déclin
des espèces septentrionales et un devenir plus favorable des espèces
méridionales (qui cependant déclinent aussi). Des observations récentes
confirment plus directement que cette réorganisation en cours serait bien
due au réchauffement climatique : les passereaux dont l’abondance est le
plus en déclin entre 1989 et 2002 sont les oiseaux qui ont été les plus
affectés par le début de canicule de 2003 (Julliard et al. in press).
La fragmentation des habitats
Le déclin marqué qui est constaté chez les
espèces spécialistes (c.a.d. inféodées à un type particulier d’habitat)
pourrait être dû aux plus fortes exigences des espèces spécialistes en
termes d’habitat, associée à la fragmentation croissante de ces derniers. Le
mouvement vers les plus hautes latitudes serait plus difficile pour ces
espèces, car la fragmentation de leur habitat constitue un obstacle à la
dispersion des individus.
Cette interprétation est appuyée par les observations menées en Angleterre
sur les papillons, couplées à des modèles prédictifs. Les nouvelles aires
d’habitats possibles estimées, compte tenu du réchauffement récent, ne sont
pas actuellement entièrement occupées par les différentes espèces ; on
constate que le déficit d’occupation (écart entre ces aires et les aires de
distribution actuelle) est plus important chez les espèces spécialistes. Ce
décalage est un élément supplémentaire en faveur de cette hypothèse d'impact
de la fragmentation, plus négatif chez les espèces spécialistes.
L’utilisation des fertilisants et pesticides
Le déclin particulièrement élevé du nombre
d’oiseaux inféodés aux espaces agricoles, observé sur le territoire
français, a également été observé dans d'autres pays d'agriculture
comparable (Royaume Uni). Néanmoins, ces oiseaux ne diminueraient pas en
abondance au Danemark au cours de la dernière décennie. Ce fait, selon les
auteurs, pourrait être dû à une diminution de l’utilisation de fertilisants
et de pesticides au cours de cette même décennie (Fox, 2004). Ce domaine
d’étude demande à être développé.
Variations spatiales
de l'indicateur «oiseaux communs»
Grâce à cette multiplicité de sites
d'observations, et en faisant appel aux techniques de corrélation spatiales,
il est possible de cartographier les variations d'abondance de chaque
espèce. Nous présentons Figure 3 les variations d’abondance du Bruant zizi
en 2002, elle montre une densité d’occupation plus forte dans la région du
sud-ouest. La réalisation de ces cartographies pour chaque espèce couplée à
une analyse des variations spatiales des taux de survie et de fécondité, des
taux d'extinction et de colonisation des populations, devrait apporter de
nouvelles informations conséquentes sur la dynamique des populations en
marge de leur aire de distribution.
En comparant le devenir des populations plus ou moins septentrionales, il
sera alors possible de tester plus directement l'influence du réchauffement
climatique.
Variations à
l'échelle des communautés
Les communautés peuvent être caractérisées
selon deux indicateurs :
Conclusion :
indicateurs associés à d'autres groupes
Il serait important de disposer
d'indicateurs sur d'autres groupes, notamment ceux qui interagissent avec
les oiseaux communs (plantes, flore et faune du sol, invertébrés, reptiles
et amphibiens). Cela permettrait à la fois de :
• rendre compte de la dynamique de la biodiversité dans sa globalité,
• mettre en relation les différents éléments d'une communauté, notamment
selon leur lien trophique,
• affiner les analyses concernant les oiseaux communs.
Cela nécessite de développer des réseaux d’observation pour combler les
lacunes de nos connaissances actuelles dans notre pays.
Contact :
D. Couvet,
F. Jiguet,
R. Julliard
Laboratoire « Conservation des
espèces, restauration et suivi des populations»
UMR 5173 MNHN-CNRS
Muséum National d'Histoire Naturelle, CRBPO
55, Rue Buffon, 75005 Paris |
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