Les marées | ![]() |
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Phénomènes
particulièrement remarquables le long des côtes océaniques, les marées
sont peu marquées dans les mers fermées. Le niveau de certains très
grands lacs (Victoria, Michigan, etc.) peut bien en être affecté,
comme c'est le cas aussi bien sûr de façon encore plus sensible pour
la mer Méditerranée, cela ne s'impose alors pas comme un phénomène
naturel d'importance. Sans doute pourra-t-on expliquer ainsi le désintérêt
relatif, pour cette question des anciens Grecs, qui pensent dans un
contexte essentiellement méditerranéen. Les marées ne leur étaient
pas pour autant complètement inconnues. Homère
est ainsi le plus ancien auteur qui ait parlé des marées. Posidonius
d'Apamée , quelques siècles plus tard cherchera à leur donner une
explication ( il attribuait déjà ce phénomène au mouvement de la
lune ). Le Moyen
âge pataugera et la théorie des marées ne sera finalement abordée
de façon sinon déjà satisfaisante, mais au moins productive qu'à
partir de la fin XVIIe
siècle, avec les travaux de Newton.
L'attraction
universelle permet de comprendre comment l'action de la Lune et du
Soleil sur les masses océaniques en déterminent les mouvements associés
aux marées. Reste que l'explication que donne Newton du phénomène révèle
de nombreuses carences. C'est que l'affaire est compliquée.
L'explication des marées n'était pas à la portée des auteurs de
l'Antiquité, s'en seraient-ils véritablement préoccupé, pas plus
qu'elle ne l'était à ceux du Moyen âge et même à Newton. Après
lui, les plus fins mathématiciens vont s'attaquer encore à la
question. Et l'on ne citera pour preuve que les noms de Bernoulli,
de MacLaurin, de
d'Alembert, d'Euler,
de Laplace... Après
eux, d'autres, aux noms peut-être moins "universels", tels Lubbock
et Whewell,
pousseront au XIXe
siècle, les problèmes encore posés
jusque dans leurs derniers retranchements. Mais au total, ils ne légueront
au XXe
siècle que des formules empiriques et
des méthodes graphiques. Il faudra attendre l'avènement des
ordinateurs, puis des satellites océanographiques pour que de nouveaux
progrès puisent être espérés. Dates clés : |
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-![]() Jalons |
L'Antiquité
Le phénomène
des marées "Causa in Sole Lunaque, dit-il. - La cause des marées réside dans l'action du Soleil
Au Moyen âge, on se préoccupera dans un premier temps de découvrir la loi qui préside aux marées. On la cherche d'abord dans les écrits de Saint Ambroise et de Saint Basile, qui ne disent en fait rien de plus que Pline. Puis Bède le Vénérable propose une première loi de l'établissement du port. Un peu plus tard, l'hypothèse lunaire tend à être oubliée au profit d'autres causes : Paul Diacre imagine des gouffres qui avalent et régurgitent périodiquement les eaux marines, Macrobe ne voit dans les marées que les effets de courants contraires. Les traductions d'ouvrages arabes va faire évoluer notablement la réflexion. Ainsi va-t-on puiser des idées nouvelles (en Occident) dans l'oeuvre d'al-Bitrogi, et surtout, à partir de 1140, dans l'Introductorim ad Astronomia, traduction latine d'un ouvrage où Abou Masar (Almasar) détaille avec minutie les liens des marées et de la Lune, la piste lunaire est de nouveau discutée. Guillaume d'Auvergne consacrera ainsi un chapitre aux marées dans son ouvrage Sur l'Univers (De Universo), où il tente une sorte de synthèse entre les idées de Diacre et de ses pairs et celles d'Almasar : On me demandera peut-être, écrit-il, de quelle manière la Lune augmente ou diminue la mer. Je dis que la mer semble augmentée ou diminuée bien qu'en vérité elle ne soit ni l'une ni l'autre; ainsi en est-il de l'eau bouillante; elle n'est pas augmentée par l'ébullition (elle est au contraire diminuée); cependant elle paraît augmentée à cause de l'ébullition, et de la boursouflure. [...] Aussi le flux est-il appelé effervescence ou ébullition de la mer; il provient de la multiplication et de l'ascension des vapeurs qui montent du fond de la mer, des profondeurs des terres qui s'ouvrent à l'accès de la mer et des entrailles même de la TerreOn mesure avec cet extrait à quel point l'approche du problème différait à l'époque de celle que l'on en aura plus tard. Guillaume d'Auvergne n'en sera pas moins le premier à avoir l'idée de rapprocher l'action de la Lune sur les eaux de l'action un aimant sur le fer. On doit ensuite mentionner Albert le Grand, qui critique al-Bitrogi, reprend les idées d'Abou Masar et de Guillaume d'Auvergne sur la dilatation des vapeurs et sur l'analogie avec les aimants. Il n'apporte pas grand chose; c'est d'abord à une grande synthèse entre les opinions des auteurs qu'il a compulsés que Albert le Grand. Ses successeurs seront moins ambitieux. Vincent de Beauvais, Henri de Bruxelles, etc. ne font que le plagier. Barthélémy l'Anglais, qui lui aussi admet l'analogie avec l'aimant, se contente par exemple de noter que "La Lune est cause d'augmentation pour toutes choses humides".Thomas d'Aquin, peu disert sur le sujet des marées, fera quand même preuve d'originalité dans son opuscule intitulé Sur les oeuvres occultes de la Nature. Prolongeant une approche ouverte par Averroès, il y recentre la question en particulier autour du problème de l'origine des forces. "Saint Thomas d'Aquin, écrit Pierre Duhem dans le tome 9 de son Système du Monde, ne veut pas que l'on conçoive de cette façon l'action de la Lune sur les eaux de la mer. Pour mettre ces eaux en mouvement, la Lune n'a aucun besoin d'y produire, d'y imprimer quelque qualité analogue à la polarisation magnétique que le fer induit dans l'aimant; sans le secours d'aucune forme ou vertu de ce genre, la Lune applique aux eaux de la mer une forceComme le soulignait encore Duhem, au Moyen Age, on ne remarqua pas la clairvoyance dont Saint Thomas d'Aquin avait fait preuve en faisant pareille distinction; la comparaison avec l'attraction magnétique demeura longtemps la moins inexacte de celles auxquelles on recourait lorsqu'on voulait rendre compte de l'action de la Lune sur les eaux de la mer. Elle s'inscrivait bien également dans la thématique des astrologues ![]() Brunetto
Latini, Pierre d'Abano,
Robert Grosseteste,
Roger Bacon, Pierre
d'Auvergne, Duns Scot
(ou du moins les Scotistes), Gilles de Rome (Tractatus de fluxu
et refluxu maris), Buridan,
Témon, dit le fils du Juif, Pierre
d'Ailly, etc. ont également abordé par la suite le problème des
marées (en s'appuyant toujours largement sur les idées d'Abou Masar et
de Guillaume d'Auvergne). Leur grande préoccupation, qui sera celle de
tous ceux qui aborderont désormais la question jusqu'au XVIIe
siècle sera de tenter de résoudre l'impasse à
laquelle étaient arrivé les astrologues quand ils cherchaient à
expliquer l'existence d'un flux et d'un reflux le même jour, et
davantage encore quand ils notaient qu'en certains lieux deux marées
hautes peuvent s'observer quotidiennement. Le tournant du XVIIe siècle Galilée
jugea que le flux et reflux étaient une preuve du double mouvement de
la Terre Kepler se fondant encore sur la comparaison classique du Soleil et de la Lune à deux aimants puissants, avait conjecturé, que l'attraction des parties de la Terre vers la Lune et vers le Soleil, était la cause du flux et reflux. "Si la Terre cessait, dit-il dans son Introd. ad Theor. mar., d'attirer ses eaux vers elle-même, toutes celles de l'océan s'élèveraient vers la Lune; car la sphère de l'attraction de la Lune s'étend vers notre Terre, et en attire les eaux."Ce qui n'était donc encore et depuis très longtemps qu'un soupçon, et rien de plus, allait se trouver vérifié par Newton (1687) avec sa théorie luni-solaire des marées ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Nouvelles lumières La théorie de Newton était défectueuse sous plusieurs points de vue; et quoiqu'on explique grâce à elle l'essentiel, à savoir comment l'élévation et l'abaissement des eaux de la mer se fait aux mêmes instants dans les points opposés d'un même méridien, sur le continent, et plus spécialement en France où le mot d'ordre portait à se ranger sous la bannière de Descartes, les adversaires de la physique newtonienne, s'engouffrèrent dans les brèches laissées ouvertes. Les Cartésiens soutinrent ainsi pendant un demi-siècle, que si l'attraction produisait le flux et reflux, les eaux de l'océan, lorsqu'elles s'élèvent dans un hémisphère, devraient s'abaisser dans l'hémisphère opposé. Il fallut donc que la génération des opposants s'éteigne pour qu'on finisse avec la physique des tourbillons, et qu'on se préoccupe d'améliorer la théorie newtonienne. En 1738, l'Académie des sciences de Paris ayant mis au concours la question des marées, les plus illustres mathématiciens de l'époque répondirent à son appel, et cette théorie reçut des perfectionnements importants. Parmi les travaux remarquables que ce concours fit éclore, nous citerons ceux de MacLaurin, de Daniel Bernoulli et d'Euler. Néanmoins aucun n'a répandu autant de lumières sur ce sujet que Laplace, à la fin du XVIIIe siècle. La premier, il traita ce sujet comme une question générale d'hydrodynamique. Mais, afin de simplifier ses formules, il fut forcé d'avoir recours à l'hypothèse d'un fluide couvrant entièrement un sphéroïde régulier, et, par suite, les résultats qu'il a obtenus, bien qu'exprimant d'une manière rigoureuse les lois générales des marées, laissent de côté une foule de circonstances particulières. Thomas Young a essayé d'étendre la méthode de Laplace au cas d'un océan couvrant seulement une partie de la surface de la Terre, et plus ou moins irrégulier dans sa configuration : Il a cherché en même temps à renfermer dans ses calculs les effets du frottement de l'eau sur les heures et la grandeur des marées: Mais, il faut le reconnaître, il sera sans doute toujours impossible de comprendre dans la même formule l'ensemble des circonstances accessoires qui exercent leur influence sur l'heure et l'étendue de ce phénomène; d'ailleurs, aujourd'hui même, la plus grande partie de ces circonstances sont encore inconnues. Déjà Laplace écrivait : "Tout ce que nous pouvons faire, c'est d'analyser les phénomènes généraux qui doivent résulter des actions combinées de la Lune et de Soleil, et de déduire de nos observations les données indispensables pour compléter la théorie des marées pour chaque port particulier".Plusieurs autres auteurs (notamment, Lubbock, qui discuta les observations de marées faites à Londres pendant dix-neuf ans, et Whewell, qui chercha une formule empirique pour relier entre eux ces résultats) s'occuperont à partir de là de remplir les lacunes que présente encore la théorie des marées, et particulièrement de rechercher les phénomènes locaux qu'il peut être possible de réduire sous des lois générales; mais ce résultat exigera de longues séries d'observations et l'étude du phénomène des marées dans des régions encore peu explorées. -
Au-delà des Océans... Les marées atmosphériques. Le mouvement général de la mer entre
les tropiques de l'Est à l'Ouest, est plus difficile à expliquer; ce
mouvement cependant est rendu patent par la direction constante des
corps qui nagent à la merci des flots. De plus, dès la fin du XVe
siècle, c'est-à-dire depuis le début des voyages
transatlantiques, il a été observe que, toutes choses d'ailleurs égales,
la navigation vers l'Occident est prompte, et le retour difficile.
L'explication
du phénomène
va s'avérer d'autant plus difficile, que l'intuition
ne permet pas de deviner ce que le seul calcul
permet de dégager. Il faudra attendre d'Alembert
et ses Recherches sur la cause des vents , pour montrer pourquoi
en effet cela doit être ainsi; que l'action du Soleil et celle de la
Lune, doivent mouvoir les eaux de l'Océan sous l'équateur F.
Folie, qui fut nommé en 1885
directeur de l'Observatoire de Bruxelles et qui se démit de ces
fonctions en 1897, a accompli le pas
suivant. Il a étudié les marées atmosphériques en les considérant
comme dues elles aussi à l'action du Soleil et de la Lune. Des
observations faites pendant près de 50 ans à l'Observatoire de
Bruxelles, il a déduit, en 1887,
que le Soleil exerce sur le baromètre une action en vertu de laquelle
la hauteur de cet instrument est minima aux équinoxes Bouquet
de la Grye étudie à partir de 1879
la question des marées, et en particulier celle des marées atmosphériques
provenant de l'action du Soleil et de la Lune. Il a prouvé, par des
calculs basés sur de nombreuses observations faites à Brest pendant 25
années, qu'il existe des marées atmosphériques diurnes, semi-diurnes
et semi-mensuelles liées à l'âge Hervé Faye, enfin, après avoir écrit en 1877 : Quant à l'influence prétendue de la Lune sur le temps, ce n'est qu'un vulgaire préjugé, bien des fois combattu,constate que la chaleur totalement réfléchie par la Lune n'est que de 1/200 000 de la chaleur solaire, et que l'attraction de la Lune sur notre atmosphère se manifeste, d'après Bouvard, par une variation barométrique de 1/15 de millimètre seulement. II attribue tous les changements de temps aux cyclones que la chaleur solaire détermine dans les régions équatoriales. |