12259
ESPECES EN DANGER DANS LE MONDE
En 2003, l'Union mondiale pour la nature (UICN) a recensé 12259 espèces d'animaux et de plantes menacées dans le monde. «C'est relativement désastreux, met en garde Jean-Christophe Vié, coordonnateur adjoint du programme pour les espèces de l'UICN. Il faut dire que toutes les menaces pesant sur les espèces augmentent : la population humaine grossit, la déforestation s'accentue, etc. » L'Europe n'a pas de quoi fanfaronner : 499 espèces animales sont vulnérables voire en danger critique d'extinction, dont 43 mammifères. Parmi eux, le loup, le lynx et le bison sont restreints à de minuscules territoires. Quant à la France, c'est le pays d'Europe qui compte le plus d'espèces menacées (elles sont 110) après l'Espagne et le Portugal.
25 RÉGIONS CONCENTRENT LA MOITIÉ DES
ESPECES
Comment sauver un maximum d'espèces en protégeant un minimum de terres? En concentrant les efforts de conservation sur les 25 régions les plus riches en plantes et en animaux de la planète, les < points chauds, selon l'organisation Conservation International.
Leur superficie est ridicule : ils ne représentent que 1,4 % des terres émergées. Et pourtant, les points chauds renferment à eux seuls plus de la moitié des espèces terrestres, dont
35% des espèces de vertébrés. Sont-ils pour autant bien protégés? Pas forcément. Madagascar, par exemple, est
un de ces joyaux : 90% des reptiles qui y vivent n'existent nulle part ailleurs. Or sa forêt est détruite au rythme de 1 à 2% chaque année et il n'en reste déjà plus que 10% de sa surface originelle!
SCIENCE VIE JUNIOR [ N°179 - AOÛT 2004)
La liste rouge des espèces ne contient que du beau monde lion, requin blanc, gorille, condor de Californie. On vous passe les perroquets, les reptiles, les insectes... Plus de 12 000 invités. Reste qu'avoir son nom dans ce catalogue n'augure rien de bon. Car la liste rouge réalisée par l'Union mondiale pour la nature est l'inventaire... des espèces en danger sur la planète. Chacune d'entre elles est classée en fonction du degré de menace pesant sur elle, de « quasi menacée » (comme le koala) à « en danger critique d'extinction» (comme l'alligator de Chine) et «éteinte». On apprend ainsi que le félin le plus menacé au monde se trouve à nos portes : c'est le lynx ibérique qui vit en Espagne et au Portugal. Selon les recensements de l'UICN
, il ne resterait plus que 250 individus adultes à l'état sauvage.
MIEUX VAUT ÊTRE UNE GROSSE BESTIOLE QU'UN INSECTE
Synonyme de menace, l'entrée d'un animal dans la liste rouge n'est pas entièrement négative. Elle peut aussi être un bon moyen de voir des associations ou des hommes politiques se démener pour lui. C'est ainsi qu'une espèce en danger d'extinction est protégée par la Convention sur le commerce international des espèces menacées (CITES) si le commerce devient une menace à sa survie. Sa vente n'est alors autorisée que dans des circonstances exceptionnelles, comme c'est le cas des singes, des grands serpents ou des coraux. Une des plus grandes victoires de cette convention? L'augmentation du nombre d'éléphants d'Afrique, si bien protégés
qu'un commerce contrôlé a pu reprendre dans cinq pays du continent noir.
Tous les animaux, hélas, ne sont pas logés à cette même enseigne. Car la liste rouge n'est pas un inventaire complet. Si l'homme a recensé 1,7 million d'espèces, seules 20000 à 30000 d'entre elles ont été étudiées en profondeur par l'UICN et il s'agit principalement de gros bestiaux. On connaît ainsi le
statut de conservation de 100 % des mammifères et de 100 des oiseaux... mais de moins de 1 % des insectes seulement! Vous êtes un coléoptère rarissime, décimé par la déforestation ? Vous disparaîtrez sans doute dans la plus parfaite indifférence.
COMMENT ON DÉTECTER ET SAUVE
Au Mexique, au Belize, au Guatemala, des scientifiques observent un des plus gros singes du continent américain, le singe hurleur à manteau, dans son milieu naturel. Ils déterminent le nombre d'individus adultes et la taille de leur habitat.
Pour connaître le degré de menace pesant sur une espèce, plusieurs critères sont étudiés le nombre d'individus total, la diminution du nombre d'adultes sur trois générations ou dix ans, la diminution de la taille de son habitat naturel... Si les effectifs de l'espèce ont diminué de 80 à
90,% en dix ans, cette dernière sera considérée comme «en danger critique d'extinction», mais simplement «vulnérable» si ses effectifs ont chuté de moitié.
Si Noé décidait de sauver toutes les espèces actuelles, il aurait du mouron à se faire. Trop de monde! Près de 2 millions d'entre elles ont été recensées. Plus de 12000 sont en danger et «toutes mériteraient un programme de conservation », note JeanChristophe Vié, de l'UICN. Dans la pratique, toutefois, cet objectif est difficile à atteindre. Trop cher! Les programmes de reproduction en captivité, par exemple, permettent parfois de regonfler les effectifs d'une population sauvage. « Mais ce genre de programme coûte très cher. Pour réintroduire gazelles, oryx (des mammifères) et outardes (des oiseaux) sur son territoire, l'Arabie saoudite a déboursé 12 millions de dollars par an », avoue Michel Saint-Jalme, du Muséum national d'histoire naturelle. Autant dire qu'une telle mesure ne peut être appliquée à tous les animaux en danger critique d'extinction.
PROTÉGER UNE ESPÈCE PEUT EN SAUVER D'AUTRES
« On ne peut pas intervenir directement sur toutes les espèces », confirme Didier Moreau, du WWF, l'organisation mondiale de protection de la nature. À l'opposé de Noé, les professionnels de
la conservation font donc des choix... tactiques. Le WWF, par exemple, affiche une liste d'espèces emblématiques
bénéficiant d'un programme de conservation : les éléphants, les baleines, le panda... De bons mammifères auxquels s'ajoutent des reptiles tout aussi avenants
les tortues marines. Le contenu de notre arche se dessine, direz-vous: on n'y met que de gros animaux sympas. II est vrai qu'appartenir à cette catégorie
comme à celle des oiseaux aide terriblement à obtenir un programme de sauvegarde. Logique. « II est plus facile de persuader les donateurs de financer un projet sur la conservation de l'éléphant que sur les libellules,
On peut aussi élaborer un projet de tourisme autour des tortues marines. C'est moins facile avec les insectes! »
Que les amoureux des tarentules et des serpents se rassurent toutefois. Comme les rongeurs et les amphibiens, ils pourraient bien avoir leur place dans l'arche en bénéficiant, par ricochet, des programmes de conservation réservés aux espèces les plus emblématiques. « Le pari que l'on fait, explique Didier Moreau, c'est que l'argent qu'on met sur la conservation de l'ours des Pyrénées va être plus payant que celui mis sur dix espèces différentes. Parce que sauver l'ours oblige par exemple à limiter les aménagements en milieu forestier, à réduire le nombre de nouvelles pistes forestières. On limite la fragmentation de la forêt pyrénéenne, ce qui au final bénéficie aux nombreuses espèces qui y vivent. »