Au rythme actuel des émissions de gaz à effet de serre, une élévation du niveau des mers de 30 à 110 centimètres pourrait survenir d'ici la fin du siècle prochain.
Depuis un siècle, le niveau des mers a subi une hausse moyenne de 10 à 15 centimètres.
La température à la surface de la Terre devrait se réchauffer d'environ 2
à 4 °C dans le cas d'un doublement du gaz carbonique. Or, au rythme actuel d'émission
de l'ensemble des gaz à effet de serre, un niveau équivalent à un doublement
de gaz carbonique sera atteint à l'échéance de 2030, d'ici seulement deux générations.
Un réchauffement de 4 °C peut paraître modeste en regard des variations
saisonnières ou même journalières que nous vivons. Mais une différence de
quelques degrés sur une moyenne globale est loin d'être négligeable. Pour
s'en rendre compte, il suffit de considérer l'histoire climatique récente. Le
refroidissement du Petit Age Glaciaire, pendant lequel nos ancêtres ont vécu
des hivers plus rudes et assisté à une avancée des glaciers alpins, n'excédait
pas 1 °C. Au maximum de la dernière glaciation, il y a environ 20 000 ans, la
température moyenne globale était inférieure de 4 à 5 °C seulement par
rapport à nos jours et pourtant les glaces couvraient le nord de l'Europe et de
l'Amérique.
Une augmentation moyenne de 4 °C à la surface de la Terre ne signifie évidemment
pas un réchauffement uniforme de 4 °C en chaque point du globe. Les régions
tropicales devraient être les moins touchées, avec un réchauffement annuel de
2 à 3 °C. Par contre, tous les modèles prévoient un fort réchauffement dans
les régions polaires, qui pourrait atteindre 10 °C en automne et en hiver et
qui résulte en partie d'une apparition plus tardive de la banquise en automne.
Ce réchauffement plus intense des régions polaires pourrait avoir des aspects
positifs, en particulier pour faciliter les conditions de vie difficiles de la
Sibérie et du Nord canadien, mais également des conséquences désastreuses
s'il devait induire une fonte, même faible, des immenses calottes de glace du
Groenland et de l'Antarctique.
Une montée des eaux
Si la température augmente, les glaces peuvent se mettre à fondre et alimenter
ainsi l'océan en eau douce. La fonte de la banquise ne modifiera en rien le
niveau des mers car, selon le principe d'Archi
mède, la glace occupe dans l'eau exactement le même volume qu'elle aurait une
fois fondue. Pour la même raison, la disparition des glaçons dans un verre
rempli à ras bord n'entraîne pas de débordement, contrairement à ce que suggère
l'intuition. Mais il n'en est pas de même pour les glaces portées par les
continents, glaciers de montagne ou calottes polaires. Leur fonte alimente les
rivières et les fleuves qui se déversent ensuite dans les océans. De plus, l'élévation
du niveau de la mer peut accélérer la formation d'icebergs qui contribuent également
à l'augmentation du volume d'eau des océans.
L'eau qui résulterait de la fonte de la totalité des glaces stockées sur le
continent antarctique, répandue uniformément sur la surface des océans, élèverait
le niveau des mers de 70 m. En comparaison, la fonte des glaces du Groenland
entraînerait une élévation de 7 m, celle des glaciers de montagne une hausse
de 35 cm seulement. Mais nous sommes loin de craindre des scénarios aussi
catastrophiques. Même si le réchauffement devait atteindre une dizaine de degrés
aux hautes latitudes, le thermomètre resterait bien en deçà du seuil critique
de fonte de la glace sur la majeure partie du continent antarctique, où règnent
actuellement des températures de -20 °C sur la côte et -50 °C à l'intérieur
des terres. Bien au contraire, il est fort probable qu'un réchauffement serait
accompagné de précipitations de neige plus abondantes sur l'Antarctique. La
calotte glaciaire, loin de fondre, se mettrait alors à prendre du volume. Cette
neige supplémentaire provenant essentiellement de l'évaporation des océans,
abaisserait le niveau des mers d'autant. A plus long terme, par contre, à l'échéance
de quelques siècles, le risque d'une débâcle partielle de la calotte
antarctique ne peut être complètement écarté. En particulier, la déstabilisation
de la façade du continent antarctique tournée vers l'Amérique est souvent évoquée.
Reposant en grande partie sous le niveau de la mer, cette région pourrait être
plus sensible à un réchauffement persistant. Les glaces pourraient se mettre
à glisser sur le sol sous-jacent, qui présente peu de reliefs pour les
retenir, et déverseraient d'énormes icebergs dans les mers australes, causant
une élévation de 5 m du niveau des mers, de quoi recouvrir de nombreuses régions
habitées. Quoi qu'il en soit, il est difficile de prévoir si un tel scénario
est fortement probable ou non et quand il pourrait advenir car nos connaissances de la dynamique des glaces sont encore très limitées.
Au cours des prochaines décennies, les glaciers de montagne et les glaces bordant la calotte groenlandaise sont davantage susceptibles de fondre. A partir des prévisions de réchauffement déduites des modèles, on estime que la fonte des glaciers pourrait conduire à une élévation du niveau des mers de 3 à 14 cm vers 2030. Nous sommes bien loin d'un scénario catastrophique. Mais ce processus n'est pas le seul en cause dans la montée des eaux, car il s'y ajoute l'expansion thermique des océans. En
effet, la densité de l'eau de mer diminue lorsque la température augmente: à masse d'eau égale, le volume des océans doit donc augmenter si le climat se réchauffe. A l'horizon 2030, ce processus pourrait ajouter 7 à 15 cm à l'élévation due à la fonte des glaces, doublant ainsi la valeur de montée des eaux.
Au total, une augmentation de 10 à 30 cm est prévisible à l'échéance de 2030, phénomène somme toute assez limité, surtout si on le compare aux 3 m d'eau par siècle qui se sont déversés dans les océans au moment où la débâcle des glaces atteignait son maximum à la fin de la dernière glaciation, il y a 10 000 ans. Néanmoins, cette augmentation traduirait une nette accélération par rapport au passé récent puisque le niveau de la mer a subi une hausse de 10 à 20 cm seulement au cours du dernier siècle, probablement en partie due au réchauffement du climat depuis la fin du Petit Age Glaciaire.
Nos estimations des variations récentes du niveau des mers restent entachées d'incertitudes car nous ne disposons que d'un nombre restreint de séries complètes de mesures convenablement distribuées sur le globe. De plus, aux variations du niveau général des mers s'ajoutent de nombreux effets locaux qui biaisent les mesures: affaissement de régions côtières sous le poids des sédiments ou causé par le pompage intensif de nappes d'eau ou de pétrole, variations locales du niveau marin dues à des effets tectoniques. Nombreux sont les phénomènes qui modifient le niveau relatif des mers et par conséquent le tracé des lignes de côtes sans pour autant affecter le volume global des océans. Le socle de la Scandinavie, par exemple, continue à remonter depuis la fonte des glaces consécutive à la fin de la dernière glaciation. Ce processus de réajustement isostatique se fait en réponse à l'enfoncement du sol provoqué par le poids des glaces. Il résulte de l'élasticité des couches plus profondes sur lesquelles reposent les continents. Dans cette région, on observe une baisse apparente du niveau marin qui atteint au moins 50 cm par siècle.
La montée des eaux n'a aucune raison de cesser en 2030. En 2100, nous risquons d'être confrontés à une élévation comprise entre 30 et 100 cm par rapport au niveau actuel. Cependant, la marge d'incertitude est grande: elle dépend aussi bien du rythme d'émission des gaz à effet de serre que du temps de réponse de l'océan à la perturbation induite par l'activité industrielle.